Situé à Bordighera, dans le hameau de Sasso, au cœur de la palmeraie historique dont Claude MONET a dépeint les paysages, le Jardin Brin préserve la mémoire de Maria Vittoria ROSSI DEL CORSO, fille d’un général italien et d’une mère juive italo-autrichienne, écrivain et journaliste ainsi que galeriste de premier plan dans l'histoire italienne de l'après-guerre. Ce jardin rassemble environ 150 palmiers des Canaries, originellement destinés à la production de feuilles à usage ornemental. Il a fait l’objet d’une intervention paysagère récente due à la paysagiste Maria DOMPE, laquelle a réalisé ici quatre espaces ésotériques d’une grande puissance évocatrice :
*VIRTUTE E CONOSCENZA: DANTE ALIGHIERI
"pourquoi l’homme, né pour voler, tombe-t-il au moindre vent?"
*NOSCE TE IPSUM: SOCRATE
"connais toi toi même"
*FACILIUS NATURA INTELLIGITUR, QUAM ENARRATUR: SENEQUE
"il est plus facile de comprendre la nature que de l’expliquer"
*EST PABULUM ANIMORUM CONTEMPLATIO NATURAE: CICERON
"la contemplation de la nature est la nourriture de l’âme"
Le jardin d’Irene abrite aussi (et surtout) un musée consacré aux œuvres collectionnées par Irene Brin. Elles sont documentées par une riche iconographie et divers objets d’époque. Outre les œuvres exposées dans le jardin (Strutture de Manuelli, Finestra-paesaggio de Porfidia et une sculpture récente de Ruvo), le musée renferme des céramiques réalisées par Picasso, une installation (Fiori) et une sculpture (Volo di rondini) de Balla, une œuvre de Sotto, un Bouddha de Ghandara, une installation de Valerio Rocco Orlando (L’Italia esplode) , ainsi que des portraits d’Irene Brin par Campigli, Vertes et Avedon, des sculptures de Pierelli et une collection de photos, livres et objets retraçant sa carrière.
Site web (en italien): http://www.giardinoirene.it/
Biographie
Maria Vittoria ROSSI est originaire de deux familles bourgeoises italiennes qui ont compté des personnalités notables. Du côté de son père, le général Vincenzo ROSSI (une famille originaire de Bordighera), on trouve ainsi un oncle député et maire de cette ville, l'avocat socialiste Francesco Rossi ainsi qu’un cousin Ministre et Vice Président du Parlement, le Sénateur Paolo Rossi. Sa mère, Maria Pia LUZZATTO, était issue d’une famille juive de Trieste. Le patronyme de Luzzatto désigne une communauté juive qui s’installe en Italie au 15° siècle en provenance de la province allemande de Lausitz (en latin Lausatia). Les Luzzatto ont compté d’importants théologiens, ainsi que des écrivains, érudits, hommes d’affaires et politiques, dont Luigi Luzzatti qui fut premier ministre et Président du Conseil ou encore le fondateur de Assicurazioni Generali.
Lorsque que Maria et sa sœur furent en âge d’aller au lycée, leur mère décida de prendre en main leur instruction. Elle leur transmit son goût pour l’art et la littérature et aussi les diverses langues qu’elle parlait, allemand, français, anglais et espagnol. Maria Vittoria Rossi débute sa carrière littéraire à l’âge de 23 ans, en 1934, dans divers journaux sous les pseudonymes de Mariù, Oriane, Marlène, Comtessa Clara, Maria del Corso, et surtout d’Irène Brin pour des articles de mode dans le magazine "Omnibus". Dans ces années qui précèdent la guerre, elle épouse un jeune officier, Gaspero del Corso, un jeune homme cultivé et collectionneur d’œuvres d’art, avec qui elle voyage beaucoup. La guerre éclate et elle accompagne son mari en Yougoslavie en 1941, où elle rédige son premier livre intitulé "Olga à Belgrade". Lorsque les troupes nazies envahissent l’Italie, elle retourne à Rome, sa ville natale, où elle survit de traductions et d’expédients. Le couple doit même se défaire d’une partie de leurs collections d’œuvres d’art. Après la libération, Irene publie une série d’articles de mode remarqués, sous le pseudonyme de Comtesse Clara Ràdjanny von Skèwitch, une vieille dame aristocratique originaire de l’Europe de l’Est. Elle ouvre aussi à Rome avec son mari une galerie d’Art, "L’Obelisco", qui prend vite de l’importance dans le paysage culturel de la capitale. "L’obelisco" accueillera un grand nombre d’artistes connus ou débutants tout en assurant la promotion de l’art et la mode italien, en Amérique notamment suite à la collaboration avec la Revue Harper’s Bazaar dont Irene devint la correspondante italienne.
Rénovation et ouverture au public du Jardin d’Irene
Irene Brin décède au printemps 1969, dans sa maison familiale de Bordighera, à l’âge de 58 ans. En 2011, pour le centenaire de sa naissance, son neveu Vincent Torre décide d’ouvrir au public le jardin de cette maison où sa tante avait rassemblé des œuvres de différents artistes. Il fait appel pour cela à la paysagiste Maria Dompe qui va créer ici l’un des rares exemples de Land Art existant sur les deux Riviera italienne et française. En 2014, l'Association Culturelle "Irene Brin" et la Galerie nationale d'art moderne et contemporain de Rome inaugurent la 1re édition de "Art dans le jardin". Le jardin s’enrichit de nouvelles œuvres et il est désormais ouvert au public, ainsi qu’un musée consacré à Irene Brin.
INTERVENTION PAYSAGERE DANS LE JARDIN D’IRENE BRIN (1991-2011)
Extrait de la visite guidée interactive rédigée par Maria Dompe
Suite à l’intervention de Maria Dompe, les palmiers ont été conservés dans une strate herbacée de type pelouse, ornementée de diverses œuvres d’art totalement intégrées. Le jardin conjugue désormais diverses tonalités de vert avec le marbre blanc de son parc de sculptures, que l’artiste invite à découvrir tout au long d’un parcours ponctué par ses installations. Il nous conduit des oliviers séculaires du jardin méditerranéen à la palmeraie traditionnelle, revisitée dans une optique proche du Land Art, un courant artistique peu représenté sur la Côte d’Azur.
Inscription: "pourquoi l’homme, né pour voler, tombe-t-il au moindre vent?"
DANTE ALIGHIERI, Divina Commedia, Purgatorio, XII, 95-96.
Matériaux: pierre, corde, modélisation du terrain et pelouse
Une relecture de la culture antique, à travers la réinvention personnelle d'une colonne très classique, qui suggère un mariage idéal avec l’environnement végétal dominant… Un oeil ouvert sur le paysage captivant de la nature qui reflète sa domination primordiale sur l'homme.
Inscription: "connais-toi toi même"
SOCRATE
Matériaux: pierre, modélisation du terrain et pelouse
Le rapport et le contraste entre la pierre et l'eau, ponctué par la blancheur des nymphea, dévoile la trame d’un parcours et révèle la pensée à la base de cette œuvre: la maxime socratique du "connais-toi toi même"… Une invitation à méditer, à faire une pause, accompagnée par la mélodie de la nature …. Un temps hors du temps où la nature étend sa boucle infinie.
Inscription: "il est plus facile de comprendre la nature que de l’expliquer"
SENEQUE
Matériaux: pierre, modélisation du terrain et pelouse
Quatre cylindres de marbre, à la surface rugueuse tels de grosses pierres, ont été disposés entre les palmiers tout au long d’un chemin vert qui les unit idéalement, pour évoquer la sacralité de la nature. Ces quatre "mandala", antiques symboles de sagesse, s’inscrivent en harmonie dans l’antique palmeraie, élaguée et purifiée: une image des équilibres naturels ancestraux.
Inscription: "la contemplation de la nature est la nourriture de l’âme" CICERON
Matériaux: pierre, modélisation du terrain et pelouse
Ce travail d'intervention paysagère radicale a conduit à remodeler le terrain qui abritait la "forêt" inextricable des palmiers en courbes harmonieuses, dans un mélange de tradition et de vision contemporaine. Les formes plastiques des vieilles pierres de marbre de porphyre rouge dialoguent avec la blancheur du marbre blanc et l'herbe verte de la pelouse. Une reconstitution de l’antique canal du Beodo mène au vieux puits d'irrigation, un retour sur le symbolisme de l'eau, souffle de vie et prana, cadeau du ciel et symbole de vitalité et de fécondité.