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9.Sociologie du travail

Conditions de travail et logiques d’acteurs
par Robert Castellana
 
Le terme de conditions de travail voit le jour à la fin du XXème siècle et va s’imposer par la suite dans les institutions, les entreprises, les organisations syndicales et les médias. Sa définition reste encore loin toutefois de faire l’objet d’un consensus. Dans une acceptation étroite, elle implique en effet de considérer certains aspects du travail comme des éléments contingents. L’attention portée aux conditions de travail relève en fait de la mobilisation de divers acteurs sociaux, économiques ou politiques, et plus particulièrement du progrès des connaissances médicales. La place de la sociologie du travail comme discipline scientifique pose toutefois problème dans ce domaine.
 
Anomie et contrôle social. Le concept d’anomie fait référence à des situations de non-respect des normes, des procédures et des statuts qui fondent le contrat social. Qualifiées de déviance, elles peuvent relever de conflits interculturels, de processus de stigmatisation ou de toute autre forme de détournement des règles sociales. Ces situations conduisent généralement à des conflits collectifs de grande intensité et/ou des pathologies individuelles pouvant aller jusqu’au suicide. Les identités professionnelles représentent un exemple de ressources symboliques reposant sur des normes. L’organisation du travail est ainsi appréhendée par la sociologie sous la forme d’une opposition structurante entre organisation formelle (travail prescrit) et réalité informelle des comportements de ses acteurs (travail réel). L’approche de l’ergonomie (du grec ergon travail et nomos lois), cherche à dépasser ce dualisme avec la prise en compte des écarts entre travail prescrit et travail réel, combinant problématiques individuelles et dysfonctionnements organisationnels.
 
Sociologie du droit et sociologie du travail. Le domaine du droit social relève à la fois de la sociologie du droit et de la sociologie du travail. Le droit social est en effet une institution majeure en matière de régulation. Ses évolutions ont été étudiées dès les débuts de la sociologie dans leur dimension juridique. L'analyse sociologique du droit du travail permet de mieux comprendre son histoire, qui se construit autour d'oppositions structurantes du type pratiques formelles et informelles, référence au droit et recours à la justice (juridicisation et judiciarisation). Ces modalités d’appropriation du droit rejoint l’approche des logiques d’acteurs de la sociologie du travail et des organisations. Elle permet notamment d’appréhender le rôle des pouvoirs publics, ou encore les stratégies de contournement et d’évitement au sein des collectifs de travail.
 
PUBLICATIONS A VENIR
 
ESSAI D’INVENTAIRE DES POLITIQUES D’AMELIORATION DES CONDITIONS DE TRAVAIL (ACT) ET DES LOGIQUES DES ACTEURS IMPLIQUEES DANS LEUR MISE EN OEUVRE
Par Robert Castellana, sociologue, CRP
 
ABSTRACT. On se propose ici de dresser l’inventaire des principaux acteurs aux sources des politiques dites d’Amélioration des Conditions de Travail (ACT) et des logiques, méthodes et outils employés pour leur mise en œuvre. Ces politiques remontent aux années 1970 pour la France, avec la création de l’Anact (Agence Nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail) et les enquêtes statistiques menées dès lors tous les sept ans par la Direction de l’Animation de la Recherche, des Etudes et des  Statistiques du Ministère du Travail (Dares). Cette attention portée aux conditions de travail relève de la mobilisation de divers acteurs sociaux, économiques et politiques, ainsi que du progrès des connaissances médicales en matière de santé au travail. Elle s’inscrit aussi dans le cadre de nouvelles formes de régulation sociale débordant largement du seul domaine du travail qui sont liées à l’affaiblissement des identités professionnelles.
 
1. IDENTITES PROFESSIONNELLES ET CULTURES D’ENTREPRISES
A l’époque de la révolution industrielle, les identités professionnelles étaient l’un des principaux vecteurs de transmission des modèles sociaux et des sentiments d’appartenance collective. L’apparition massive de nouveaux métiers et surtout de nouvelles organisations du travail allait dès lors remettre en cause ce modèle de régulation sociale.
 
2. SOCIOLOGIE DU TRAVAIL ET LOGIQUES D’ACTEURS
Le droit du travail devient au début du 20ème siècle une institution sociale majeure de régulation Au-delà de sa seule dimension juridique, les modalités de l’appropriation du droit par les salariés et les employeurs sont abordées ici dans l’approche des logiques dites d’acteurs de la sociologie du travail.
 
3. SOCIOLOGIE DES ORGANISATIONS ET MANAGEMENT
La sociologie du travail a plus particulièrement mis en évidence l’importance des contraintes institutionnelles et normatives dans l’apparition des politiques d’ACT au niveau des méthodes et des outils préconisés pour leur mise en œuvre. Leurs références méthodologiques relèvent toutefois de présupposés idéologiques liés à des cultures organisationnelles, et notamment managériales.  
 
4. LE CADRE HISTORIQUE DES POLITIQUES D’ACT
Les politiques d’ACT remontent à la fin du 20ème siècle. Elles sont issues de l’évolution de plusieurs institutions, le droit tout d’abord avec l’apparition d’un droit du travail spécifique, mais aussi l’évolution des corporations de l’ancien régime en organisations professionnelles d’employeurs et de salariés. Ces évolutions remontent au 19ème siècle avec la révolution industrielle et les progrès des techniques et de la médecine qui accompagnent son essor. Elles connaissent cependant des formes différentes en fonction des pays concernés.
 
5. DROIT DU TRAVAIL ET PARITARISME
Le droit du travail voit le jour en France au début du 20ème siècle. Il s’agit d’un droit en évolution permanente car il concerne des enjeux économiques, sociaux et politiques. Avec la notion juridique de hiérarchie des normes, le droit du travail a plus particulièrement impacté les rapports entre les partenaires sociaux au niveau des instances paritaires. Les politiques d’ACT ont ainsi vu la mise en place de nouvelles formes de représentation des salariés, ainsi que d’un système de plus en plus normatif en matière de santé et de sécurité au travail. Ces évolutions ont aussi donné lieu, à la fin du 20ème  siècle, à un début d’harmonisation au niveau européen.
 
6. HAZARD ANALYSIS ET CONDITIONS DE TRAVAIL
En Europe, les politiques d’ACT ont conduit à la mise en place d’obligations réglementaires pour les employeurs et d’outils visant à identifier et quantifier les risques liés à une situation de travail. Les principaux acteurs concernés relèvent de deux disciplines, l’ergonomie et les démarches dites d’évaluation des risques (hazard analysis) lesquelles débordent largement du seul monde du travail. Il n’existe pas de définition exacte du terme de conditions de travail. Cette dénomination  recouvre l’ensemble des déterminants d’une situation de travail, allant des aspects matériels de la production et des risques qui leur sont liés aux conditions organisationnelles et sanitaires de l’activité.
 
7. DEMARCHES QUALITE ET OBLIGATIONS DE PREVENTION
Le développement des politiques d’ACT relève en grande part des outils constitutifs des démarches dites de qualité en matière d’hygiène industrielle, de sécurité et d’environnement (HQSE). Ces démarches concernent divers acteurs, dont les services qualité de l’entreprise, ses personnels et ses partenaires ou encore les organismes dits de certification. La HSE (Hygiène, Sécurité, Environnement) désigne originellement une démarche de maîtrise des risques industriels reposant sur un système normatif. La QSE (Qualité, Sécurité, Environnement) l’intègre désormais dans le cadre plus large du management des démarches qualité.
 
8. ACCIDENTS DU TRAVAIL ET MALADIES PROFESSIONNELLES
La réglementation relative à l’indemnisation et à la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles est au cœur de la mise en place des politiques d’ACT. Originellement elle ne concernait que la réparation du préjudice. L’accent mis sur la prévention allait imposer une tarification incitative déterminée en fonction du nombre (fréquence) et de la gravité des accidents. Les principaux acteurs de ces évolutions sont l'Inspection du Travail, pour l'application de la règlementation, et les Caisses régionales d'assurance maladie, en tant qu'assureur du risque.
 
9. CONSEIL, AUDIT ET EXPERTISE
L’émergence de l'expertise (ou de l’audit) est un phénomène de société qui déborde des seules politiques d’ACT. Elle concerne ainsi l’audit d’entreprise, les risques sanitaires et environnementaux, ou encore le fonctionnement de l’État. Avec l’apparition des politiques d’ACT, l’expertise et le conseil ont connu de grands développements en matière de Santé, de Sécurité et de Conditions de Travail (SSCT). Dans ce domaine, les principaux acteurs sont des organismes paritaires relevant de l’Assurance maladie ou des cabinets agréés désignés par les instances de représentations des salariés.
 
10. LES PROBLEMATIQUES DE QUALITE DE VIE AU TRAVAIL
Le rôle des médias témoigne de l’émergence d’un nouvel acteur dans le domaine des politiques d’ACT. Son importance est clairement établie par son impact dans la prise de conscience de problèmes qui ne relèvent pas seulement de risques mais plus généralement de souffrance au travail. La dénomination officielle de risques psycho-sociaux (RPS) s’accompagne pour les entreprises d’une obligation d’évaluation. Les entreprises préfèrent généralement communiquer sur la notion de qualité de vie au travail (QVT). Les partenaires sociaux sont impliqués en tant qu’acteurs à tous les niveaux des accords collectifs qui accompagnent sa mise en œuvre.
 
11. ERGONOMIE ET CONDITIONS DE TRAVAIL
L’approche ergonomique concerne l’analyse des déterminants des situations de travail du point de vue du travail réel. Elle repose sur des connaissances scientifiques et techniques relatives à la physiologie et à la conception des outils, des machines et des procédures. Il s’agit aussi de méthodologies d’observations présentées comme factuelles et participatives incluses dans le cadre des démarches qualité. Les principaux acteurs dans ce domaine sont les fabricants ou les concepteurs et divers intervenants relevant du domaine privé ou paritaire.
 
12. PREVENTION ET FORMATION
Au sens le plus étroit du terme, les conditions de travail désignent des éléments accessoires accompagnant une activité professionnelle. Il s’agit essentiellement des conditions hygiéniques et sanitaires de l’activité en l’absence de risques industriels particuliers. Ce domaine relève originellement toutefois de l’hygiène industrielle et des risques de maladies professionnelles. Il s’agit aussi de facteurs de pénibilité ou de risques désormais qualifiés de confort. Les principaux acteurs sont les industriels avec la mise en place d’un système normatif. Les politiques d’ACT ont aussi conduit à mettre en place, et à encadrer, un  certain nombre de formations en matière de SSCT.
 
CONCLUSION
L’émergence des politiques d’amélioration des conditions de travail pourrait être liée à l’affaiblissement des identités professionnelles, auxquelles elles apportent une nouvelle forme de légitimité. L'expert revendique en effet le savoir-faire, la compétence et l’expérience caractéristiques de ces identités.