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9.1 Droit social et paritarisme

Mots-clés / Keywords: Formation en Santé, Sécurité et Conditions de Travail (SSCT), Comité Economique et social (CSE), Politiques d’Amélioration des Conditions de Travail (ACT), Démarches Hygiène, Qualité, Sécurité et Environnement (HQSE), Évaluation des Risques Professionnels (EVRP), Qualité de Vie et Conditions de Travail (QVCT), Accidents du Travail et Maladies Professionnelles (AT/MP), Risques Psycho-Sociaux (RPS)

Citer cet article : CASTELLANA Robert 2025. Essai d’inventaire des politiques d’amélioration des conditions de travail (ACT) et des logiques des acteurs impliquées dans leur mise en œuvre. Chapitre 1/7. Droit social et paritarisme. CRP édition en ligne. Lien

Sommaire
Le droit social et la hiérarchie des normes
Le paritarisme et la cogestion
Les instances de représentation du personnel (IRP)
Le comité économique et social (CSE)
Le paritarisme en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail (SSCT)
En savoir plus : références bibliographiques

Le Droit Social et la Hiérarchie des Normes. Le droit du travail, qui émerge en France au début du 20ème siècle, est un droit en constante évolution afin de répondre à des enjeux sociaux, économiques et politiques. Il régit en effet les relations entre les divers acteurs du dialogue social, autour d’un principe fondamental : la hiérarchie des normes. Ce droit se matérialise par une réglementation croissante des relations professionnelles et une harmonisation progressive au niveau européen. Le droit social vise à garantir des relations équilibrées entre employeurs et salariés. Il protège à cet effet les droits des travailleurs et encadre les conditions de travail. Le droit du travail se divise en droit individuel et droit collectif. Le premier régit les relations directes entre un salarié et son employeur (contrat de travail, rémunération, congés), tandis que le second encadre les relations entre les employeurs et les syndicats, comme les conventions collectives et les autres négociations sociales. La hiérarchie des normes établit que certaines règles prévalent sur les autres. Ce système permet que les droits fondamentaux des individus soient respectés, tout en offrant une structure claire pour les décisions juridiques. Au sommet de la hiérarchie des normes, on trouve la Constitution et les traités internationaux, dont les directives européennes. Viennent ensuite, les lois, suivies des décrets et règlements. En dessous se trouvent les accords collectifs spécifiques à certains secteurs ou entreprises qui complètent ou précisent les normes plus générales, sans pouvoir les contredire. Ce principe permet d’appliquer la norme la plus favorable aux travailleurs lorsqu’il y a un conflit entre différentes règles. Le droit social trouve donc ses sources principales dans la législation, en particulier dans le Code du travail, et dans les conventions collectives négociées entre syndicats et employeurs. Le Code du travail se compose de lois et de décrets, classés en huit parties et divisés en titres, livres et chapitres. Il fait également l’objet d’interprétations par les tribunaux, notamment la Cour de cassation sociale, créant ainsi une jurisprudence qui peut venir préciser les règles en vigueur. Les syndicats jouent un rôle clé dans la défense des droits des travailleurs, tant par la négociation d’accords collectifs que par leur soutien dans les démarches juridiques. Les employeurs sont les autres acteurs essentiels des négociations collectives. Les instances publiques (l’État, les organismes paritaires ou les tribunaux) veillent à l’application du droit social et à l’équité des relations professionnelles. Le tribunal des prud’hommes, qui est aussi une instance paritaire, est l’un des principaux acteurs en matière de respect du droit social en tranchant les litiges entre employeurs et salariés.

Le Paritarisme et la Cogestion. Apparu en Europe au début du 20ème siècle, le paritarisme s’est originellement développé dans le cadre de la protection sociale, du dialogue social et parfois de la cogestion. Il se divise en plusieurs formes : paritarisme de gestion, de négociation, d’élaboration et de représentation. En matière d’amélioration des conditions de travail (ACT), le paritarisme se traduit par la présence de nombreux acteurs spécifiques, dont l’État dans la régulation des relations entre les parties (on parle alors de tripartisme). Le paritarisme repose sur une gestion collective, où les représentants des salariés et des employeurs prennent des décisions ensemble. Cette approche vise à trouver un compromis équilibré entre les choix économiques et sociaux, pour le bénéfice des deux parties. En France, le paritarisme remonte aux années 1940 avec la gestion des caisses de sécurité sociale. Il se retrouve dans de nombreuses instances, telles que les conseils d’administration des caisses de sécurité sociale, des organismes d’assurance chômage ou de retraites, ainsi que dans les pratiques de sécurité au travail. Des organismes paritaires comme la DARES, l’INRS, l’ANACT ou les CARSAT jouent ainsi un rôle central dans la prévention et de la réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Le paritarisme présente de nombreux avantages. Il favorise tout d’abord une gestion concertée des ressources, permettant de mieux répondre aux besoins des salariés tout en respectant les impératifs économiques des entreprises. La cogestion est un modèle avancé de paritarisme qui permet aux salariés de participer activement à la gestion économique et financière de l’entreprise. En Allemagne, par exemple, les travailleurs ont une voix dans les décisions stratégiques de l’entreprise, ce qui renforce leur implication et leur sentiment d’appartenance à l’entreprise. Contrairement au paritarisme, la cogestion repose sur une responsabilité partagée entre la direction et les employés, visant à améliorer la coopération interne et à obtenir des résultats plus performants, tant sur le plan économique que social. Le paritarisme et la cogestion ont  toutefois des limites. Le besoin d’atteindre un consensus peut ainsi ralentir la prise de décision. Les intérêts divergents des employeurs ou des salariés peuvent parfois dominer les discussions, ce qui complique l’équilibre recherché. La représentation ne peut pas être toujours équilibrée par ailleurs dans les instances paritaires, ce qui peut affecter les décisions finales.

Les Instances de Représentation du Personnel (IRP). Les Instances de Représentation du Personnel (IRP) sont des organes élus qui défendent les droits et intérêts des salariés au sein même de l’entreprise. Il s’agit donc d’une forme de cogestion dans la prise de décisions sur les conditions de travail et de médiation en cas de conflit, facilitant ainsi un dialogue constructif entre la direction et les salariés. Dans le domaine de l’amélioration des conditions de travail, la fin du 20ème siècle voit ainsi en France la mise en place du CHSCT (Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail). Depuis 2017, le CSE remplace plusieurs instances antérieures : les Comités d’Entreprise (CE), les Délégués du Personnel (DP), et le CHSCT. Il est désormais obligatoire pour les entreprises de 11 salariés ou plus. Ce changement vise à simplifier les procédures et renforcer l’efficacité des décisions liées aux droits économiques et sociaux des salariés ainsi qu’à leur sécurité au travail. Les diverses IRP étaient composées de représentants élus par les salariés, garantissant ainsi une représentation démocratique, au travers d’un processus électoral encadré par le Code du travail avec un rôle central des syndicats. Elles se composaient de représentants élus du personnel et de l’employeur. Le CSE a plusieurs missions, notamment en matière de santé et de sécurité au travail. Dans les entreprises de plus de 50 salariés, il doit également être consulté sur les décisions économiques, financières et sociales, telles que les modifications de l’organisation du travail, les restructurations, et les licenciements collectifs. Dans les entreprises de moins de 50 salariés, ses missions sont principalement axées sur la santé, la sécurité et le respect des normes légales. Le CSE joue aussi un rôle dans les négociations collectives concernant les conditions de travail, les salaires, et d’autres aspects de la vie de l’entreprise. Il assure également une surveillance constante des conditions de travail pour garantir qu’elles respectent les normes de sécurité en vigueur. De plus, dans les entreprises de plus de 50 salariés, il organise des activités sociales et culturelles pour renforcer le bien-être des salariés et favoriser la cohésion du personnel. Le financement des IRP dépend de la taille de l’entreprise. Les employeurs doivent allouer un budget pour leur fonctionnement, incluant les coûts des élections, des réunions et des activités sociales. Cependant, malgré leur rôle central, les IRP peuvent rencontrer des difficultés. Le déséquilibre dans le dialogue social, avec des employeurs possédant un pouvoir économique plus important, peut parfois freiner l’efficacité des négociations. De plus, les IRP manquent parfois de ressources humaines et financières, ce qui limite leur capacité à accomplir pleinement leurs missions.

Le Comité Social et Économique (CSE). Institué en 2017, le Comité Social et Économique (CSE) a pour mission principale de maintenir un dialogue social constant, équilibré et participatif, notamment dans les domaines économiques, sociaux ainsi qu’en matière de sécurité de d’amélioration des conditions de travail. Le CSE est constitué de membres titulaires et suppléants élus par les salariés, et présidé par l’employeur ou son représentant. La taille du comité dépend de l’effectif de l’entreprise, et ses membres bénéficient d’une protection contre le licenciement. En cas de licenciement, une autorisation de l’Inspection du travail est nécessaire. Le fonctionnement du CSE est régi par un règlement intérieur qui définit les modalités des réunions, les missions du comité, et les ressources à sa disposition. Le CSE organise des activités sociales et culturelles, comme des événements ou des voyages, financés par un budget alloué par l’employeur, en plus d’un budget de fonctionnement (fixé à 0,2 % de la masse salariale). Il est également informé sur la gestion économique de l’entreprise, notamment les investissements et les répercussions sociales des décisions. Il joue un rôle important dans la santé et la sécurité des salariés, en veillant à la conformité des conditions de travail et des normes de sécurité. Le CSE participe aussi aux décisions importantes de l’entreprise, telles que les restructurations ou les licenciements collectifs. Il est consulté dans ce domaine sur des sujets récurrents, comme les comptes de l’entreprise, ses orientations stratégiques et son bilan social. Dans les entreprises de plus de 50 salariés, il peut se doter d’une commission SSCT, chargée de la prévention des risques professionnels. Le CSE a également des droits d’alerte en cas de danger grave et imminent pour la santé ou la sécurité des travailleurs. Il peut ainsi suspendre une activité dangereuse jusqu’à la mise en place de mesures de sécurité appropriées et faire appel à un expert si nécessaire. Ce droit d’expertise s’étend également aux consultations économiques. Le CSE est aussi en droit d’informer régulièrement les salariés, par le biais de réunions, d’enquêtes ou d’autres campagnes de communication. Les membres du CSE bénéficient par ailleurs d’un crédit d’heures de délégation pour accomplir leurs missions, ces heures étant cumulables et mutualisables. Dans les entreprises de moins de 50 salariés, le CSE a pour principale mission de présenter à l’employeur les réclamations des salariés sur les salaires, l’application du Code du travail et des conventions collectives. Ces réclamations  doivent être inscrites dans un registre spécial, accompagnées des réponses de l’employeur. Il joue aussi un rôle dans l’amélioration des conditions de travail, notamment en matière de santé et de sécurité. Il ne bénéficie pas par contre de l’obligation d’un budget d’activités sociales et culturelles, d’un règlement intérieur, d’un bureau, de consultations (seulement d’informations), ni de commissions.

Le Paritarisme en matière de Santé, de Sécurité et de Conditions de Travail (SSCT). Le Comité Social et Économique (CSE) joue un rôle central en matière de santé, de sécurité et des conditions de travail (SSCT). Il est chargé de prévenir les risques professionnels, d’assurer que les conditions de travail respectent les normes de sécurité et de protéger la santé physique et mentale des salariés. À cet égard, le CSE participe activement à l’évaluation des risques, à la mise en œuvre de mesures préventives, et à l’analyse des conditions de sécurité. Le CSE dispose pour cela de prérogatives spécifiques, comme la réalisation d’enquêtes sur les accidents de travail et la possibilité d’exercer un droit d’alerte en cas de danger grave et imminent, en suspendant une activité dangereuse et en demandant des mesures correctives. Plusieurs organismes, principalement paritaires, soutiennent le CSE dans ces missions, tels que l’Anact, l’INRS, la Carsat et les Services de Médecine du travail. L’Inspection du travail (Dreets), bien que non paritaire, joue également un rôle clé et peut être saisie par les élus. Le CSE a le droit d’accéder à toutes les informations nécessaires pour exercer ses fonctions en matière de SSCT, notamment les documents et registres rendus obligatoires par la législation. Dans les entreprises de plus de 50 salariés, le CSE est par ailleurs consulté sur les informations figurant dans la Base de Données Économiques et Sociales (BDESE) et peut réaliser des inspections régulières pour vérifier le respect des conditions de travail et de sécurité. Ces inspections donnent lieu à des rapports transmis à l’employeur avec des propositions d’amélioration. Le CSE contribue aussi à l’évolution du Document Unique d’Évaluation des Risques (DUER). Il joue encore un rôle préventif essentiel, notamment concernant les risques psychosociaux (RPS) comme le stress, le harcèlement ou les troubles liés à des conditions de travail dégradées. Il peut proposer des solutions pour améliorer le bien-être des salariés, en mettant en place des formations, des enquêtes ou des dispositifs d’accompagnement. Dans ce cadre, il peut désigner un référent harcèlement. Dans les entreprises de 50 salariés et plus, le CSE peut également créer une commission spécialisée en matière de SSCT, dont les réunions impliquent la Médecine du travail, la Carsat et l’Inspection du travail. Ces commissions permettent une gestion plus approfondie des problématiques de sécurité et de santé au travail.

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EN SAVOIR PLUS

BITTON Josine. Histoire du droit du travail : du salarié-objet au salarié-citoyen. Fondation Seligmann Après-demain 215/2 n°34. Pp8-11. Lien

DAMON Julien. Le paritarisme : définitions et délimitations. Regards n°52 décembre 2017. 13p. Lien

NIVELET Thomas, CHEVILLARD Fabien 2019. Comité social et économique. Prérogatives en santé,  sécurité et conditions de travail. Inrs Ed 6340. 100p. Lien

PELISSE Jérôme. Travailler le droit : lectures et perspectives sociologiques. Note critique. Revue française de sociologie 2018/1 vol.59 pp99-125. Lien

TAINTURIER Paul, THOBOIS Pascal, BOURGUIGNON Rémi. Les Institutions Représentatives du Personnel face aux questions économiques (rapport de recherche).  Institut de recherches économiques et sociales 2020. 108p. Lien