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9.7 Audit, conseil et expertise

Mots-clés / Keywords: Formation en Santé, Sécurité et Conditions de Travail (SSCT), Comité Economique et social (CSE), Politiques d’Amélioration des Conditions de Travail (ACT), Démarches Hygiène, Qualité, Sécurité et Environnement (HQSE), Évaluation des Risques Professionnels (EVRP), Qualité de Vie et Conditions de Travail (QVCT), Accidents du Travail et Maladies Professionnelles (AT/MP), Risques Psycho-Sociaux (RPS)

Citer cet article : CASTELLANA Robert 2025. Essai d’inventaire des politiques d’amélioration des conditions de travail (ACT) et des logiques des acteurs impliquées dans leur mise en œuvre. Chapitre 7/7. Audit, conseil et expertise. CRP édition en ligne. Lien

Conclusion
Émergence de l’expert et de l’expertise
Expertise, finance et ingénierie
Expertise et société du risque
Expertise et amélioration des conditions de travail
Le rôle de l’audit interne et externe dans le contrôle du risque en entreprise
Expertise, cultures d’entreprises et identités professionnelles
En savoir plus : références bibliographiques

Émergence  de l’expert et de l’expertise. L’expertise est un phénomène de société qui a pris une importance croissante au tournant du 21ème siècle, notamment et pas seulement dans le domaine des politiques d’amélioration des conditions de travail. Autrefois enracinée dans des savoirs locaux et des traditions professionnelles transmis de manière empirique, l’expertise s’est désormais détachée de son contexte d’origine pour devenir une compétence globalement reconnue. Standardisée par la mondialisation et la numérisation, elle permet de favoriser la mobilité des connaissances, tout en spécialisant davantage les compétences. Avec cette complexification des savoirs, un fossé s’est creusé entre experts et profanes, plaçant les experts en position de médiateurs entre le terrain et les sphères décisionnelles. Les experts jouent désormais un rôle clé dans la transmission et l’application des connaissances. Ils maîtrisent en effet des connaissances techniques et méthodologiques approfondies, tandis que les profanes, malgré des compétences souvent équivalentes, restent exclus des circuits de validation institutionnelle. En traduisant des savoirs complexes pour les rendre accessibles aux décideurs, les experts influencent par ailleurs les orientations stratégiques des organisations. L’expert ne se limite donc plus à son seul domaine de spécialisation mais devient un acteur stratégique. Son rôle dépasse désormais la seule expertise technique pour englober des enjeux économiques et organisationnels, le rendant désormais indispensable dans un contexte de gouvernance complexe.

Expertise, finance et ingénierie. Les modèles ingéniérique et financier qui structurent la gouvernance des entreprises sont deux approches complémentaires mais souvent opposées. Pour simplifier, le premier valoriserait l’innovation et l’optimisation des processus, tandis que le second privilégierait la rentabilité immédiate et la gestion des flux financiers. Centré sur la maîtrise des processus et des technologies, le modèle ingéniérique repose sur des compétences techniques qui visent à améliorer la performance des systèmes de production. Son domaine inclut la réduction des coûts, l’amélioration de la qualité et l’intégration de solutions innovantes pour assurer la compétitivité à long terme. Le modèle financier traite plutôt de la maximisation des profits et de la maîtrise des coûts, autour de l’analyse des flux de capitaux, des risques, des stratégies et des impératifs économiques. Son objectif principal est d’assurer la stabilité financière à court terme, parfois au détriment de l’innovation technique. Face à ces logiques conflictuelles, les entreprises cherchent à adopter une approche hybride. La capacité des experts à concilier exigences opérationnelles et impératifs stratégiques, à traduire les contraintes du terrain en décisions adaptées leur confère dans cette optique une influence grandissante dans la gouvernance des entreprises. En conciliant ces perspectives, ils deviennent en effet des acteurs incontournables pour garantir la performance et la pérennité des organisations.

Expertise et société du risque. L’expertise s’impose plus particulièrement de nos jours comme un élément central dans le domaine de la gestion des risques. La gestion des risques n’est pas une science exacte. Elle repose en effet sur un équilibre entre performance technique et gestion économique. Face à des menaces de plus en plus variées, les experts sont de plus en plus sollicités pour anticiper et réduire les incertitudes, permettant ainsi aux organisations d’adapter leurs stratégies. Loin d’être un simple détenteur de savoirs, l’expert devient donc dans ce domaine un médiateur entre les techniciens, qui identifient les risques concrets, et les décideurs, qui élaborent des stratégies en fonction des contraintes économiques et politiques. Les techniciens et praticiens sont au plus proche des réalités et détectent les risques immédiats qui leur permet de proposer des solutions opérationnelles, mais celles-ci doivent être adaptées aux enjeux stratégiques pour être mises en œuvre efficacement. Les dirigeants et responsables doivent arbitrer entre efficacité technique et impératifs financiers. Leur défi est d’intégrer des données complexes pour prendre des décisions pertinentes. L’expert devient dès un relais indispensable pour leur fournir une analyse fiable et économiquement viable. Grâce à sa capacité d’analyse et de synthèse, il joue un rôle déterminant dans cet ajustement constant et contribue à la résilience et à la pérennité des entreprises et des institutions.

Expertise et amélioration des conditions de travail. Les politiques d’Amélioration des Conditions de Travail (ACT) ont marqué une avancée majeure dans la gestion des risques liés à la Santé, la Sécurité et aux Conditions de Travail (SSCT). L’expertise et le conseil se sont développés dans ce domaine, initialement pour les entreprises confrontées à des risques complexes ou à des dysfonctionnements majeurs, comme les accidents industriels. L’apparition des politiques d’ACT a permis d’encadrer ces démarches en apportant un cadre structuré aux entreprises, en matière de compréhension des risques et de mise en place de stratégies de prévention. Les experts jouent dans ce domaine un rôle clé dans l’analyse des dangers, l’évaluation des vulnérabilités des systèmes de sécurité, la recommandation de solutions et l’application de mesures de prévention adaptées. Leur mission ne se limite pas toutefois au conseil. Ils accompagnent aussi la mise en œuvre des mesures de sécurité et assurent leur suivi au travers d’organismes paritaires, notamment ceux de l’Assurance maladie. Ils participent ainsi à l’élaboration des politiques de prévention, au financement des programmes de sécurité ainsi qu’à la formation des professionnels à la gestion des risques. L’émergence des politiques d’ACT a incontestablement renforcé le rôle des experts dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail. Grâce à leur intervention et à leur collaboration avec les entreprises et les organismes paritaires, la prévention des risques devient plus efficace, garantissant des conditions de travail plus sûres et mieux encadrées.

Le rôle de l’audit interne et externe dans le contrôle du risque en entreprise. L’audit joue un rôle essentiel dans l’expertise des conditions de travail en entreprise, en assurant le suivi et l’amélioration des processus de gestion des risques. Il se décline en deux formes : l’audit interne, qui permet un contrôle continu, et l’audit externe, réalisé par des experts indépendants pour garantir objectivité et conformité aux standards. L’audit interne est mené par les équipes de l’entreprise pour vérifier la conformité des processus aux politiques internes, détecter les faiblesses et proposer des améliorations. Il favorise une approche proactive en fournissant des retours réguliers sur l’efficacité des dispositifs en place, renforçant ainsi la prévention des risques. L’audit externe est conduit par des organismes tiers, souvent dans le cadre des démarches qualité ou à la demande des représentants du personnel. Il est censé offrir une analyse impartiale, permettant d’évaluer la conformité aux normes, d’améliorer les pratiques et d’identifier les risques liés aux processus de production et de gestion. Les représentants du personnel peuvent désormais solliciter ce type d’audit externe pour évaluer les conditions de travail, les risques professionnels ou le respect des obligations légales. Cette démarche vise à favoriser un dialogue social constructif autour des enjeux de santé et de sécurité. Bien plus qu’un simple contrôle, il permet d’identifier les points faibles, de recommander des actions correctives et d’assurer leur mise en œuvre, favorisant ainsi la résilience et la prévention en entreprise.

Expertise, cultures d’entreprises et identités professionnelles. L’expertise s’est développée dans un contexte de politiques d’amélioration des conditions de travail où les identités professionnelles et les cultures d’entreprises sont devenues de plus en plus floues. Autrefois réservée à des corporations ou à des spécialistes bien définis, elle est aujourd’hui beaucoup plus transversale, avec la prise en compte d’une grande flexibilité des rôles, d’une remise en compte des politiques managériales et d’une approche pluridisciplinaire marquée par l’émergence d’une problématique sociétale de gestion des risques. Cet essor de l’expertise dans le champ de l’entreprise est par ailleurs lié à l’affaiblissement des identités professionnelles et des cultures d’entreprises. L’expert leur apporte en effet une nouvelle forme de légitimité relevant du savoir-faire, de la compétence et de l’expérience caractéristiques de ces mêmes identités.

Retour au sommaire de la publication: CASTELLANA Robert 2025. Essai d’inventaire des politiques d’amélioration des conditions de travail (ACT) et des logiques des acteurs impliquées dans leur mise en œuvre. Lien

En savoir plus: références bibliographiques

CALAFAT Guillaume 2011. Expertise et compétences. Procédures, contextes et situations de légitimation. Éditions de la Sorbonne | « Hypothèses ». 2011/1 14 | pages 95 à 107. Lien

GRABER Frédéric 2009. Figures historiques de l’expertise. Tracés. Revue de Sciences Humaines 16/2009. p. 167-175. Lien

PESQUEUX Y. 2000. Le gouvernement de l’entreprise comme idéologie. Science and Technology Studies . Fiche de lecture. 62 p. Lien

POWER M. 2004. La société de l’audit. L’obsession du contrôle. Traduction française : Editions La Découverte. Fiche de lecture. Lien

TREPOS Jean-Yves 2002. L’expertise comme équipement politique de la société civile.  Questions de communication [En ligne], 2 | 2002. Lien